Impressions post-résidence

Avant de quitter le Groenland, Philippe Hercher et Oïjha, le capitaine du Manguier et son second, ont demandé aux artistes présents à bord de préparer un petit texte qui tenterait de faire un bilan de la résidence en essayant de cerner ce qu’une telle aventure a pu nous apporter.
Nos impressions font l’objet de plusieurs articles qui paraissent ces jours-ci et que je vous invite à découvrir sur le site du Manguier.
J’avais tellement de choses à dire que j’ai fini par écrire un très long texte, que je choisis de publier ici dans son intégralité et dont voici la première partie. Mais en réalité, c’est la suite de ce texte qui compose l’article final qui est paru le 7 avril 2019 sur le site du Manguier .
Vous pourrez aussi lire sur ses pages les impressions des autres artistes présents avec moi au cours de la résidence Artistes en Arctique : Roxane Tarramorsi (impressions parues dans l’article du 8 avril 2019), Cécile Fouillade (article du 9 avril 2019), Cléa Darnaud (à paraître probablement le 10 avril 2019) et Eric Bourret ( à paraître) .
Quelle difficulté que d’écrire dans l’avion du retour une quinzaine de lignes pour résumer ce que nous venons de vivre : Vous parlez quand même d’une sacrée aventure ! celle de résider tout un mois durant à l’autre bout du monde, à plus de 3500 kilometres de chez soi , dans ce qui devait être le coeur de l’hiver Groenlandais, sur un bateau coincé sur la banquise, quelque part vers la mer de Baffin, en Arctique. Pendant tout ce temps, Le Manguier , en hivernage dans la baie de Qamminviguaq, entre l’île d’Akunnaaq et celle de Saquardlliip Nuna était devenu notre maison à l’adresse suivante : 68° 44’ 55’’N 52° 21’ 141’’W.
J’ai beaucoup aimé vivre dans ces conditions un peu rudes et difficiles, même si finalement, nous n’avons pas eu de températures vraiment extrêmes. Très concrètement, nous avons pu voir les effets du réchauffement climatique et nous avons assisté à la disparition de la banquise. Au fil des jours, les grandes étendues blanches des premiers jours sont devenues grises et mouvantes, la glace laissant de plus en plus de place à la mer. Nous savons maintenant combien il est dangereux de se déplacer, de s’aventurer et de survivre lorsque SIKU AJORPOK, la glace est mauvaise.
Nous connaissons maintenant l’isolement que vivent les groenlandais quand on ne peut plus se déplacer sans danger sur la glace et que la débâcle n’a pas encore eu lieu. Le village n’est plus approvisionné et se vide peu à peu de ses habitants. Le danger est réel : maintenant que nous pouvons le dire, trois d’entre nous sont passés accidentellement à travers la glace. Mais cela aurait pu être dramatique…
J’ai adoré :
– retrouver mes rêves d’enfant,
– vider puis alléger mes bagages,
– faire plein de petits cadeaux,
– dessiner les petites choses du bord,
– croquer les membres de l’équipage et les Inuits du village,
– la fraîcheur et la bonne humeur des artistes,
– dessiner les gens d’Akunnaaq dans leurs maisons,
– l’idée que j’allais aussi raconter plein de choses de leurs histoires et de leurs conditions de vie,
– faire mes tours de quart et participer aux tâches du bord,
– faire du pain, et aussi ceux de Cléa et de Cécile en forme de bateau, de phoque, de tresses,
– vider le compost derrière le petit iceberg,
– la belle annexe- canoé qui nous sert de petits coins et de tinettes,
– la douche chaude au village,
– découvrir le goût de la viande de boeuf musqué au cours d’un vrai repas groenlandais,
– dîner d’une soupe de phoque et de steacks de baleine préparés par Phil,
– les kafemiks, particulièrement ceux pour les anniversaires des proches qui ne sont pas là,
– s’amuser comme des fous avec les autres membres de l’équipage à photographier les aurores boréales,
– braver le vent mordant d’un moins 15 ou moins 18 pour quelques dizaines de centimètres de dessin avant que mes encres ne gèlent,
– tester tous les petits dispositifs à la Mac-Gyver que j’ai imaginés pour tenter de dessiner sur la banquise ou perchée au sommet d’un col, à l’abri d’un cairn, INUKSUK «celui qui ressemble à un homme»,
– inventer et bricoler de petites astuces pour retarder au maximum le gel de mes encres,
– revenir au plaisir jouissif de simples crayons de couleur (parce que l’aquarelle n’est vraiment pas possible !),
– dessiner dans la chaleur du carré,
– utiliser de nouveaux formats pour raconter ce qui nous arrivait,
– découvrir le travail des autres artistes,
– participer à leurs projets artistiques, en discuter pour les aider à avancer,
– établir (construire) des ponts artistiques entre nos différentes pratiques,
– voir comment les choses se sont mises en place entre nous, avec naturel et simplicité, comment nos relations se sont tissées à partir des contraintes du bord,
– penser que nous allions continuer à nous voir et à exposer ensemble…
Bénédicte Klène, Chronicroqueuse
Résidence Artistes en Arctique / 16 . III. 2019
(Cliquer ici pour lire l’article final paru le 7 avril 2019 sur le site du Manguier)
Ces premiers mots sont simplement magiques… Je file tout de suite lire le reste!
J’ai hâte de te voir pour que tu me racontes de vive voix! 😙😙😙
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